ToutSurTout.biz
Concert de Black M annulé à Verdun : indignation sélective à gauche


https://www.world-lolo.com/images/uploads/image.num1463469390.of.world-lolo.com.jpg



La polémique autour de l'annulation du concert à Verdun du rappeur Black M, qui a promu par le passé des valeurs fort peu républicaines, fait réagir vertement certains poids lourds du PS et du gouvernement. Obnubilés par l'extrême droite, ils invoquent la "liberté d'expression" sans se soucier de quel type de propos on parle ici.

À gauche, l'annulation du concert de Black M ne plaît pas. Pas tant à cause du fond, passé sous silence, mais parce que c'est l'extrême droite qui, la première, a dégainé contre l'invitation du rappeur à chanter à Verdun le 29 mai, au soir des commémorations officielles du centenaire de la bataille du même nom.

Black M, c'est ce rappeur du groupe Sexion d'Assaut, dont plusieurs membres - lui-même et Maître Gims en particulier - se sont lancés depuis quelques années dans des carrières solo. Lesquelles ne font pas oublier les textes nauséabonds du groupe, teintés d'antisémitisme, d'homophobie et se référant à l'islamisme radical.  Extrait d'un tube de Sexion d'Assaut ("Désolé", sorti en 2010) : "Je me sens coupable quand je vois ce que vous a fait ce pays de kouffars [mécréants]". En juin 2010, encore, le groupe chante dans "On t'a humilé" : "Je crois qu'il est grand temps que les pédés périssent".  Et Black M lui-même a chanté pas plus tard que l'an dernier, dans une reprise d'un titre de Doc Gyneco ("Dans ma rue") : "Les youpins s'éclatent et font les magasins".

"Je n'aime pas Black M mais je n'aime pas non plus la victoire de ceux qui l'ont fait déprogrammer".

Bref, pas vraiment le genre de références que l'on attend sur le CV d'un chanteur censé se produire en concert le soir d'une commémoration officielle. C'est pourtant bien Black M qui avait été invité, fort de sa popularité chez les jeunes, à chanter à la suite des interventions solennelles de François Hollande et d'Angela Merkel. Après une levée de boucliers de l'extrême droite, qui a trouvé là du pain béni pour se défouler, et par extension d'une bonne partie de la classe politique, le concert a été annulé par le maire de Verdun, ce vendredi 13 mai. Problème, justement : c'est l'extrême droite qui a soulevé le lièvre, du site nauséabond fdesouche.com jusqu'au FN. Ce qui rend toute une partie de la gauche hystérique face à l'annulation, sans que personne ne pense à revenir sur le fond de l'affaire : les propos indéfendables qu'a pu tenir le rappeur.

A juste titre, plusieurs voix de gauche dénoncent les attaques racistes dont la fachosphère n'a pas manqué d'agrémenter son indignation contre Black M. Des attaques inacceptables dénoncées par SOS Racime : "Dans cette polémique du jour, le péril était noir. Dans celle de demain, il sera arabe. Dans celle d'après-demain, il sera musulman. Et dans celle du jour suivant, il sera Rom". Ou "youpin", aurait-on pu ajouter à l'intention du rappeur. Depuis Cannes ce samedi, la ministre de la Culture Audrey Azoulay a également tapé du poing sur le tapis rouge : "Des voix déchainées ont obtenu l'annulation d'un concert au nom d'un ordre moral nauséabond et décomplexé. N'acceptons jamais cela. Ce n'est pas la première fois que l'autocensure succède à ces coups de forces inacceptables". Une tirade qui se tait sur les "voix déchainées" de Sexion d'Assaut. Sur sa page Facebook, Christiane Taubira y va elle aussi de son message de soutien : "Et voilà ! Ceux qui n'ont jamais ni fauté ni combattu sont les rois du bannissement. Ils n'ont jamais prononcé une parole de travers puisque toutes leurs paroles sont de travers. (...) Ils n'ont rien à se reprocher, à preuve ils cumulent les condamnations. Ils n'ont surtout rien à dicter à nos consciences". Et ce, toujours sans se demander si "nos consciences" ont besoin de la promotion de messages homophobes ou aux relents antisémites.

Interrogé sur France Inter samedi, Jack Lang ne veut pas, lui, "capituler devant l'idéologie frontiste". La veille, le secrétaire d'État aux Anciens combattants Marc Todeschini enrageait à bon droit "de voir qu'un déferlement de haine, d'injures et de menaces force un élu à annuler le concert d'un artiste dans un pays où la liberté d'expression et de création sont des valeurs et des droits fondamentaux." Vibrant appel à des valeurs cardinales de la République... que l'on aurait aimé voir aussi adressé à l'artiste. Dans un post assez joliment troussé sur son compte Facebook, Black M lui-même écrit : "Moi, Alpha Diallo, enfant de la République et fier de l'être, souhaite, par ce communiqué, faire barrière à ces propos haineux". En attendant, il ne revient lui-même sur aucun des textes qui font polémique, ni ne s'en dédit, ni ne s'en excuse. Enfin ce dimanche midi sur France 3, c'est la ministre des Familles et des Droits des femmes Laurence Rossignol qui a résumé le paradoxe ambiant à gauche sur cette affaire, dans une courte sortie plus nuancée : "Je n'aime pas Black M mais je n'aime pas non plus la victoire de ceux qui l'ont fait déprogrammer". Justement : fallait-il laisser tapis rouge à la fachosphère pour dénoncer les propos problématiques de Black M, ou s'en emparer en réaffirmant que les discours haineux sont tout autant inacceptables les uns que les autres, qu'ils soit rappés ou tweetés ?