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«Jungle» : Sarkozy sort les muscles


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En visite mercredi à Calais, le candidat à la primaire de la droite a fait valoir son expérience de Président pour crédibiliser sa promesse de mettre fin à la crise migratoire.

Ils sont une dizaine, silencieux et hagards, alignés assis par terre aux pieds des policiers qui les surveillent. «Afghans ?» Quelques bras se lèvent. «Kurdes ?» D'autres se manifestent. Interrogés par les hommes de la police aux frontières (PAF), ces hommes viennent d'être débarqués d'un camion roumain de laine de verre qui s'apprêtait à embarquer sur un ferry pour la Grande-Bretagne. «Every day, I will try» («Tous les jours, j'essaierai»), dit l'un de ces réfugiés, qui n'en est manifestement pas à sa première tentative. Il est indifférent au personnage en costume sombre qui vient d'assister à son arrestation. Nicolas Sarkozy ne lui adresse pas la parole. «Il est venu pour parler aux Calaisiens, pas pour voir la jungle», avait prévenu son entourage. Il est surtout venu pour sa campagne électorale. A Calais, mercredi, le candidat à la primaire de la droite et du centre entendait convaincre qu'il pouvait, mieux que tout autre, faire définitivement disparaître le gigantesque bidonville où s'entassent entre 7 000 et 10 000 migrants.


Quatre jours avant la visite de François Hollande, il voulait surtout constater que le pouvoir socialiste, selon lui structurellement laxiste et incompétent, avait été incapable de résoudre ce problème
. Pour que sa démonstration soit parfaite, le candidat Sarkozy devait aussi convaincre que le plan de démantèlement préparé par Bernard Cazeneuve n'avait aucune chance de réussir et que le seul moyen d'en finir avec la jungle était de voter pour lui en novembre à la primaire avant de le réélire le 7 mai 2017, à l'Elysée.



«Folie»



En attendant, le président par intérim du parti Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez, fait son possible pour faire capoter le plan Cazeneuve. Sa pétition pour dire «non» à la «prolifération» de petites jungles sur l'ensemble du territoire national aurait recueilli plus de 20 000 signatures. Les maires LR sont en outre invités à s'opposer à «cette folie» que serait la répartition des migrants.

Sur la plateforme où transitent les poids lourds avant de passer la Manche, l'ancien chef de l'Etat a été accueilli par le président LR de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand. Défenseur du plan de démantèlement de la jungle, ce dernier s'est ouvertement opposé aux appels implicites au boycott lancé pas Wauquiez : «J'attends de mon parti des solutions, pas des pétitions», a-t-il déclaré la semaine dernière.


Côte à côte, les deux hommes se sont fait expliquer le dispositif permettant de détecter, en moins d'une minute, la présence de clandestins dans les camions. Une sorte d'échographie géante qui enregistre respirations et battements de cœur. En moyenne, une trentaine de véhicules sont contrôlés «positifs » chaque jour. «On a eu jusqu'à 55 migrants dans un camion, c'est le record», a expliqué un responsable du site qui évalue à 18 000 le nombre de clandestins interceptés depuis le début de l'année.


Que deviennent-ils ensuite ? Interrogés par Sarkozy, les agents de la PAF ont expliqué que les Afghans et Kurdes arrêtés mercredi matin allaient être éloignés du port et déposés sur la rocade. «Ils refusent de prendre le nom et les empreintes des migrants», s'est indigné l'ancien chef de l'Etat quelques minutes plus tard devant un panel de Calaisiens - commerçants, petits patrons ou riverains de la «jungle» - réunis par la maire LR Natacha Bouchart.



«Bulldozers»



A l'occasion de cette table ronde, le candidat aura pu constater que ses interlocuteurs n'étaient pas forcément disposés à souhaiter son retour providentiel en mai 2017. Jean-Louis Foissey, chef d'entreprise et responsable associatif, l'a interpellé d'emblée sur la campagne «insupportable» de ceux qui, comme Wauquiez, agitent la menace de «petits Calais». Pour lui, il est «très urgent» que la jungle disparaisse et le plan Cazeneuve peut, selon lui, y contribuer. A ces Calaisiens trop peu combatifs, Sarkozy a rappelé qu'ils avaient en face d'eux un quelqu'un qui avait «quelque légitimité» à parler de cette crise. N'est-ce pas lui qui avait «géré» la fermeture du centre d'hébergement de Sangatte en 2002, alors qu'il était ministre de l'Intérieur ? «J'ai envoyé les bulldozers», a-t-il fièrement rappelé, oubliant de préciser que cette décision fut aussi l'acte de naissance de la «jungle de Calais» où les expulsés de Sangatte, Afghans pour la plupart, s'étaient construit un nouveau refuge.




La politique migratoire, ce n'est pas l'affaire d'un «président de conseil régional», c'est l'affaire d'un candidat à la présidence de la République «porteur d'une vision», a expliqué Sarkozy
, en l'absence de Xavier Bertrand. Sa vision ? «Très simple.» Elle tient en deux décisions : rétablissement des contrôles aux frontières pour stopper le flux des réfugiés et déplacement dans un «hot spot» situé outre-Manche des réfugiés qui souhaitent se rendre en Angleterre. Selon lui, aucune autre solution ne tient la route. Vider la jungle sans sortir de Schengen, ce serait l'assurance d'être «confronté dans six mois au même problème».


Concernant les Britanniques, il faudra, «qu'ils le veuillent ou non », qu'ils traitent eux-mêmes les demandes d'asile. S'agissant d'un pays qui vient d'exprimer son rejet massif de l'immigration en votant le Brexit, le projet pourra paraître ambitieux...

C'est bien ce qui inquiète cette riveraine de la jungle : «Qu'arrivera-t-il si ça n'est pas possible avec les Anglais ?» Piqué au vif, le candidat l'a invitée à se souvenir comment il avait géré la crise géorgienne face à Poutine, puis la crise financière de 2008 face à son «amie» Merkel.


Pour la convaincre, il a raconté ses exploits de ministre de l'Intérieur en 2002 : alors qu'il venait de négocier avec son homologue britannique la fermeture du centre de Sangatte, il dit avoir été stoppé, sur la route du retour, par un appel du 10 Downing Street : le Premier ministre, Tony Blair, voulait le voir, de toute urgence. «Il m'a dit : "Je voulais absolument voir le type qui a réussi à me refiler 4 000 immigrés en situation irrégulière"», a rapporté Sarkozy, dans un de ces élans d'autocélébration dont il est familier. Il n'est pas certain que cela impressionnera favorablement Theresa May, Première ministre de l'après-Brexit.