
Place de l'Opéra à Paris, lors de l'acte V des gilets jaunes, samedi 15 décembre 2018.
Cette revendication montante du mouvement des gilets jaunes vise à faciliter la consultation du peuple, sans associer le Parlement en amont.
Des pancartes frappées de trois lettres, «RIC». Dans les cortèges de Bordeaux à Paris, en passant par Nice ou Montpellier, les manifestants qui participaient à l'acte V de la mobilisation des gilets jaunes samedi étaient nombreux à donner de la voix pour le référendum d'initiative citoyenne ou populaire. Entonnée comme un refrain, cette demande vise à «redonner du pouvoir au peuple».
«Pour moi, c'est la revendication principale des gilets jaunes», expliquait ainsi Sam, 26 ans, venu «exprès en bus de nuit depuis Bruxelles» pour défendre cette initiative visant à faciliter la consultation du peuple. «Avec le RIC, le peuple pourra voter une loi, l'annuler, révoquer un élu ou changer la Constitution, un peu comme la votation suisse. Si le peuple d'un pays européen arrive à faire instaurer le RIC, ça donnera la possibilité aux autres de le réclamer», estimait l'étudiant belge, rencontré par Libération aux abords le gare Saint-Lazare.
Les manifestants réitéraient une demande formulée jeudi devant la salle du Jeu de paume à Versailles, haut lieu de la Révolution de 1789. Fin novembre, le dispositif faisait déjà partie des 42 «directives du peuple», une liste rassemblant des revendications des gilets jaunes concernant le pouvoir d'achat, la justice fiscale ou encore les services publics. Les manifestants demandaient qu'une proposition de loi obtenant 700 000 signatures numériques soit suivie d'un référendum national dans un délai d'un an. Le tout après un passage pour éventuel amendement à l'Assemblée nationale, le Parlement n'étant donc pas sollicité en amont. Las de donner un blanc-seing à l'exécutif durant tout un quinquennat, leur volonté est claire : «donner au peuple le droit de rédiger ou d'abroger une loi sur le sujet qu'il choisit», voire révoquer le président de la République, ce qui pose des questions de constitutionnalité.
Outre les référendums «classiques» à l'initiative de l'exécutif ou du Parlement, la réforme constitutionnelle de 2008 sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy a déjà inscrit la possibilité de «référendums d'initiative partagée». Les conditions sont strictes : il faut «un cinquième des membres du Parlement, soutenus par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales», soit au moins 185 députés et sénateurs et plus de 4,5 millions d'électeurs. Difficile à mettre en œuvre, cette procédure n'a jamais été utilisée.
Une revendication portée par plusieurs partis politiques.
Lors des élections présidentielles, plusieurs candidats (Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen, Benoît Hamon), se sont montrés favorables aux référendums d'initiative populaires, contrairement à Emmanuel Macron. En juillet, lors du début de l'examen à l'Assemblée du projet de révision constitutionnelle, tous les groupes d'opposition avaient, sans succès, défendu le dispositif ou essayé de rendre plus facile les référendums d'initiative partagée en abaissant les seuils.
Samedi, la présidente du Rassemblement national (RN) Marine Le Pen a affirmé sur Twitter que le RIC, «réclamé depuis des années par le RN», était «un outil essentiel d'un bon fonctionnement démocratique». Pendant la campagne, son programme prévoyait un tel référendum sur proposition d'au moins 500 000 électeurs, rappelle l'AFP. Le leader de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon a aussi réaffirmé son soutien à un tel dispositif cette semaine à l'Assemblée. Il doit permettre «d'abroger une loi, d'en proposer une, et le droit de révoquer un élu, quel qu'il soit, du président de la République au conseiller municipal», a-t-il plaidé. Le LR Julien Aubert a pour sa part déposé une proposition de loi constitutionnelle début décembre pour un véritable «référendum d'initiative populaire». La députée Modem Isabelle Florennes a assuré samedi sur LCI que les élus de son groupe avaient «toujours été favorables» au RIC, mais à condition qu'il soit «encadré» et «adossé à un Parlement fort», ajoutant que la révocation serait «anticonstitutionnelle».
Dimanche, le président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand s'est dit prêt à ouvrir le débat, «à condition que l'on fixe» certaines règles comme par exemple «le taux de participation» pour s'assurer «que l'expression populaire ne soit pas trahie par des minorités». Il faut aussi vérifier qu'un référendum «soit pertinent» et éviter qu'il demande à «tripler toutes les retraites» pour mettre «l'État en faillite» ou à «révoquer tel ou tel ministre qui prendrait une mauvaise décision», a-t-il estimé sur France 3.