Suite : Que valent les chiffres annoncés sur les cas positifs, puisqu'on ne teste pas tout le monde ?
Stratégie assumée en France.
En France, le choix depuis une semaine de tester essentiellement les cas graves obéit à une logique sanitaire (diagnostiquer les cas sévères pour mieux les prendre en charge) mais aboutit logiquement à ce qu'une grande majorité des personnes positives, mais présentant peu ou pas de symptômes, passent sous le radar.
Cette stratégie est assumée par les autorités : en phase 2, quand l'épidémie était encore émergente, l'identification du moindre cas positif était un enjeu sanitaire, afin de tracer la circulation du virus, et d'essayer d'en freiner la progression en trouvant puis isolant les cas contagieux. Il y avait alors une volonté affichée de dépister toutes les personnes susceptibles d'être contaminées. Une stratégie qui a changé en phase 3, alors qu'on a perdu tout espoir de traçabilité de l'épidémie, et que les cas se multiplient. Dans cette configuration, le virus est considéré comme circulant partout, et les «tests en population communautaire n'ont que peu d'intérêt», a répété Jérôme Salomon mardi. Les autorités insistent davantage sur le nombre de cas graves en réanimation, et évidemment sur le nombre de morts, qui sont des indicateurs plus fiables.
Est-ce à dire qu'on ne peut avoir aucune idée de la pénétration de l'épidémie dans la population ? Jérôme Salomon a évoqué mardi une autre approche que les dépistages pour mesurer l'étendue de l'épidémie, via la «surveillance syndromique», qui passera via le réseau des médecins de ville. «Le système se met en place depuis lundi, Santé publique France [agence nationale dépendant du ministère, ndlr] nous donnera le nombre de consultations avec un tableau évocateur du coronavirus. Exactement ce qu'on fait chaque année pour les gastro-entérites, qu'on ne teste pas, pour les grippes, qu'on ne teste pas, pour les bronchiolites, qu'on ne teste pas. Et qui donne un chiffre extrêmement précis. Donc on aura à la fois les données des tests positifs, les données des hospitalisations, et en plus cette partie de surveillance de la population qui est basée sur les médecins généralistes qui nous diront : j'ai 10%, 15%, 20% de consultations qui sont des tableaux évocateurs du coronavirus.»
A quelle échéance et sous quelle forme ces données seront présentées ? Interrogée, la DGS ne nous a pour l'heure pas répondu. Contacté, le président du collège de médecine générale, Paul Frappé, assure de son côté que «la constitution de cohorte est en cours. Au-delà du seul dénombrement, cela permettra de récolter des informations sur les malades, le suivi, leur profil». Le même indique toutefois que toute statistique issue de ces remontées de terrain ne saurait évidemment être qu'indicative, ne serait-ce que parce que «de nombreux cas ne sont pas symptomatiques ou faiblement symptomatiques, et ne se rendent donc pas chez les médecins».
Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation, reprenant des avancées avant lui par Angela Merkel (et que nous avons déjà évoqué), avait estimé dimanche que 50% à 70% de la population pourrait in fine être touchée par le virus.