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Taxer les véhicules en fonction du poids, la proposition qui inquiète l'automobile


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La perspective d'une taxe en fonction du poids des véhicules suscite l'opposition de l'industrie automobile. Parmi les modèles qui pourraient en faire les frais, la Citroën C5 Aircross.



C'est la mesure qui fait trembler depuis plusieurs mois l'industrie automobile en France. Pour réduire les émissions polluantes des voitures neuves, certains envisagent la mise en place d'une taxation indexée sur le poids. Une mesure qui est revenue sur la table au début du mois de septembre, à l'issue d'une réunion entre les services du ministère de la Transition écologique et les représentants de la filière. Ces derniers auraient été consultés le 11 septembre sur des propositions de la Convention citoyenne pour le climat (CCC)... Parmi lesquelles un malus en fonction de la masse des véhicules. De quoi susciter l'inquiétude du secteur.

Dans leurs conclusions, les 150 citoyens français tirés au sort ont en effet proposé de taxer, à raison de 10 euros par kilo, tous les véhicules pesant plus de 1,4 tonne. A l'inverse, les modèles les plus légers, de moins de 800 kilos, bénéficieraient d'un bonus de 4 000 euros, selon le dispositif envisagé dans le rapport final de la CCC.

Un barème - ou du moins le malus - qui serait venu s'ajouter aux taxes en vigueur dans l'automobile, relatives aux émissions de CO2. Le ministre de l'Economie a toutefois coupé court aux rumeurs le 25 septembre, en annonçant qu'une telle mesure ne serait pas intégrée au projet de loi de finances (PLF) 2021, comme le redoutaient certains représentants du secteur.

Lundi 28 septembre, lors d'une conférence à Bercy, Bruno le Maire a une nouvelle fois indiqué que "le débat sur la fiscalité sur le poids des véhicules n'[aurait] pas lieu dans le cadre du PLF".

Fin du débat ? Pas si sûr. Dans un rapport du 23 septembre, la Cour des Comptes propose d'"intégrer, dans le malus automobile et les autres dispositifs d'aide au renouvellement, des paramètres liés aux émissions de polluants atmosphériques, dont le poids du véhicule" afin de "limiter les émissions des transports routiers". Faut-il alors taxer, ou non, les véhicules en fonction de leur poids ? Passage en revue des arguments sur cette mesure.

Contre "une mesure qui pénalise 70% de la production en France".

A peine évoquée, l'éventualité d'un malus de 10 euros par kilo a suscité de vives réactions chez les représentants de l'automobile. Interrogé par L'Usine Nouvelle, le directeur de la communication du Comité des constructeurs français d'automobiles (CCFA) lie ces multiples protestations à la situation de la filière automobile. "Une telle taxe serait arrivée au plus mauvais moment, et à contretemps par rapport aux efforts engagés dans le plan de relance", met en avant François Roudier.

En l'absence de mesures dédiées, le représentant de la filière s'inquiète également de l'effet dissuasif d'une telle mesure sur les ventes de véhicules électriques. "Ces modèles auraient été pénalisés en raison du poids de leurs batteries. Or, elles visent justement à économiser du CO2 !", insiste le porte-parole.

Au-delà de l'impact attendu dans les concessions automobiles, la filière estime qu'un tel malus aurait concerné "70% des voitures produites en France". "C'est une prime aux petites voitures. Mais celles-ci ne sont plus produites en France, puisque la stratégie a consisté depuis 2009 à conserver des véhicules plus gros à forte valeur ajoutée. Cela aurait donc eu un impact terrible sur des régions automobiles déjà fragiles, comme par exemple à Rennes ont sont assemblés les SUV Peugeot 5008 et Citroën C5 Aircross", insiste François Roudier.

Dans une note publiée le 28 septembre, le cabinet Inovev calcule de son côté que 33% des véhicules vendus en France en 2019 auraient pu être visés par le malus tel qu'envisagé par la CCC, ce qui correspond à 890 000 unités. Et d'ajouter : "Parmi ces 890 000 unités, 350 000 sont produites en France et seraient concernées (soit 39%). Ces 350 000 unités [...] représentent 17,5% de la production française annuelle".

D'après Inovev, les véhicules particuliers les plus concernés auraient été des modèles français, les Renault Scénic, Citroën C5 Aircross, Peugeot 5008, allemands avec les Volkswagen Tiguan et T-Roc, ainsi le Nissan Qashqai et... la Renault Zoé.

Mais pour ce véhicule, "le malus serait assez faible, de l'ordre de 700 euros, et les bonus disponibles compenseraient fortement cette taxe", relève le cabinet. Au-delà des constructeurs, la Fédération des industries des équipements pour véhicules (FIEV) a également réagi à la possible introduction d'un malus au poids. "Des marges de manœuvre en matière d'allègement sont envisageables sur des parties précises des véhicules. [...] Mais, dans un contexte post-crise, il est impossible d'envisager une accélération des processus en cours et une contrainte inadaptée viendrait perturber l'innovation industrielle", a estimé son président Claude Cham, dans un communiqué.

Pour "un système de bonus-malus établi au niveau européen".

En juin 2019, une note publiée par France Stratégie, un organisme rattaché à Matignon, proposait la création d'un système de "bonus-malus indexé sur le poids et sur l'utilisation en mode électrique des voitures [...] au niveau européen".

"La législation européenne des 95 grammes de CO2 par voiture et kilomètre encourage les véhicules les plus lourds, car l'objectif de chaque constructeur est indexé sur le poids moyen des voitures qu'il vend.

Plus les modèles sont légers, plus il est difficile pour les constructeurs d'atteindre le niveau qui leur a été fixé", justifie Nicolas Meilhan, auteur du rapport de France Stratégie et membre du think tank "Les Econoclastes".

En 2018, l'ONG International council on clean transportation (ICCT) montrait que la limite à atteindre pour Fiat-Chrysler était de l'ordre de 91 grammes par kilomètre, pour un poids moyen des véhicules inférieur à 1 300 kilos. A l'autre bout du spectre, Daimler - et ses modèles de plus de 1,5 tonne -, affichait un objectif de "seulement" 102 grammes par kilomètre.

Pour inverser cette tendance, Nicolas Meilhan se dit en faveur, non pas d'un simple malus, mais d'un "système redistributif" avec un bonus pour les modèles les plus légers. Quant aux versions électrifiées, le spécialiste propose de prendre en compte le poids des voitures hors batteries comme base de calcul.

"Il ne s'agit pas de pénaliser les véhicules électriques, sur lesquels les constructeurs gagnent d'autant moins d'argent qu'ils doivent souvent acheter leurs batteries à un tiers", indique Nicolas Meilhan. D'après le conseiller scientifique, ce système permettrait de tendre vers des véhicules plus légers et donc plus vertueux sur le plan des émissions.

De quoi profiter à Renault et PSA... Voire même à la production en France ? "PSA fabrique les voitures les plus légères dans chaque segment. Ce système de bonus-malus au poids leur conférerait donc un avantage sur le marché et profiterait donc au tissu industriel français, qui produit encore des modèles comme les 3008 et 5008", parie Nicolas Meilhan.

Pour inciter à la localisation de la production automobile dans l'Hexagone, le rapport de France Stratégie préconise dans le même temps l'instauration d'une "norme limitant l'empreinte carbone associée à la production" des véhicules.

Une initiative qui devrait profiter très largement à la France, et son réseau nucléaire, au détriment de pays comme la Chine, ou plus près sur le sol européen, de la Pologne et son électricité au charbon. Or, c'est pourtant dans ce pays d'Europe de l'Est que le groupe coréen LG Chem a élu domicile pour produire des cellules de batteries afin de répondre aux besoins croissants pour les voitures électrique