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« Le score de Donald Trump est hors de portée de Marine Le Pen »


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Donald Trump lors d'un meeting électoral, à l'aéroport de Martinsburg, en Pennsylvanie, le 26 octobre.



Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l'IFOP, tire les leçons de l'élection présidentielle américaine et liste les différences entre le président américain battu et la présidente du Rassemblement national.

Pour Jérôme Fourquet, directeur du département opinion et stratégies d'entreprise de l'IFOP et auteur de L'Archipel français. Naissance d'une nation multiple et divisée (Seuil), Donald Trump a su agréger de nouveaux électorats au socle traditionnel des républicains, ce qui explique ses très bons scores, avec plus de 71 millions de voix recueillies dans tout le pays. Marine Le Pen, en France, en semble loin.

Quelles leçons peut-on tirer en France de l'élection américaine ?

Même si Trump est battu, la parenthèse ouverte en 2016 avec lui ne se referme pas vraiment, un nouveau paysage s'est dessiné. Les causes profondes qui l'avaient fait gagner ne disparaîtront pas avec lui et travaillent toujours la société américaine. Il a gagné, il y a quatre ans, en rompant notamment avec la ligne libre-échangiste des républicains ; Boris Johnson a endossé le Brexit et a gagné les dernières législatives en rompant, lui aussi, avec le programme traditionnel des tories : une nouvelle ligne de clivage s'est imposée.

En France, la finale de 2017 entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron correspond aussi à cette nouvelle fracture. Sur l'immigration, la construction européenne, leurs deux visions étaient très opposées, et le dernier scrutin national, les européennes, a mis ces deux forces politiques une nouvelle fois en tête. Ce clivage, lié à la mondialisation, au libre-échange et à l'immigration, n'est pas hégémonique, parce que nous sommes dans des sociétés archipélisées, mais il pèse très lourdement et reconfigure les paysages électoraux nationaux. La vieille opposition gauche-droite n'a pas disparu, mais elle est supplantée par ce nouveau clivage, dans un paysage électoral transitoire et hybridé.

Y a-t-il des parallèles entre les votes des deux pays ?

Le premier est désormais assez classique. L'Amérique qui vote Biden est celle des grandes métropoles. Dans le comté de New York, Biden fait 85 %, à San Francisco, 86 %, et à Washington DC, 93 % ! Plus on s'enfonce dans l'Amérique périphérique, plus les scores de Trump grimpent. On a observé le même phénomène en Grande-Bretagne lors du Brexit, et le scénario est le même en France. Marine Le Pen a fait ses meilleurs résultats dans la France rurale et périurbaine, alors que toutes les grandes métropoles se sont massivement refusées à elle : au second tour, elle obtient moins de 10 % à Paris.

Les grands centres urbains bénéficient de la mondialisation, avec des universités, des aéroports, une ouverture sur l'international, des sièges sociaux de grandes entreprises et des jobs bien payés, une population multiculturelle et très diplômée. Les habitants de la Côte est et de la Côte ouest des Etats-Unis ont coutume d'appeler la partie centrale des Etats-Unis le « Fly over country », « le pays qu'on survole ». On pourrait dire la même chose en France avec le train. La France périphérique, c'est le « pays qu'on traverse » en TGV, pour aller d'une métropole à une autre. Toute une partie de cette France se sent reléguée, dépossédée et abandonnée.