
Guerre froide : causes, développement, dates... Résumé des événements. Un monde en perpétuelle tension, avec des conflits ouverts, terriblement meurtriers, mais des crispations entre l'ouest et l'est si fortes que la fin du monde a été maintes fois envisagée... Retour sur les grands faits de la guerre froide.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, sur les ruines encore fumantes de l'Europe et de l'Asie, la tension monte soudainement entre les Etats-Unis et l'URSS. Le camp Allié, dont l'ennemi commun a été éradiqué, se disloque en l'espace de quelques mois. Pendant 40 ans, la menace d'une Troisième Guerre mondiale plane sans jamais se concrétiser. C'est la Guerre froide : un conflit qui s'étend de 1946 à 1991. Celui-ci oppose deux systèmes irréconciliables : le capitalisme libéral et démocratique, emmené par les Etats-Unis, et un système communiste, souvent qualifié de "totalitaire", conduit par l'URSS.
De 1946 à 1949, vers un monde bipolaire.
Dès 1946, forte de sa victoire en Europe centrale et du prestige de l'Armée rouge, l'URSS s'impose dans les pays libérés. De leur côté, les Etats-Unis cherchent à "endiguer" le communisme, qu'ils considèrent comme incompatible avec le libéralisme. L'Europe de l'ouest se range dans leur camp. En trois ans, le monde connait une escalade des hostilités qui se traduit par des conflits armés. Mais, alors que chacun craint la Troisième Guerre mondiale, le monde va être ponctué de crises périphériques aux deux nations sans jamais que celles-ci ne se déclarent la guerre.
Les causes de la guerre froide et l'incompatibilité idéologique.
La fracture entre les Etats-Unis (ainsi que les démocraties européennes) et l'URSS ne surgit pas inopinément en 1946. Elle remonte en fait à la naissance même de l'URSS. Depuis la révolution russe de 1917 et l'arrivée au pouvoir de Lénine, les deux pays souffrent d'une véritable "incompatibilité idéologique". D'un côté, les Etats-Unis s'affichent comme les représentants du libéralisme, tant politique qu'économique, tandis que de l'autre, l'URSS fustige le capitalisme et prône une société sans classe, où les initiatives de l'individu s'effacent devant les intérêts du peuple.
En ce sens, la Grande Alliance peut être perçue comme une parenthèse nécessaire pour affronter le nazisme lors de la Seconde Guerre mondiale. Ce rapprochement ne fut d'ailleurs pas évident, puisque Staline, face à l'absence de soutien des Occidentaux, avait signé en 1939 un accord de non-agression avec Hitler, le pacte germano-soviétique.
Cependant, au cours des années 1920 et 1930, le contexte est très différent de celui de 1946, et ce pour plusieurs raisons. De 1919 à 1922, l'Europe est bousculée par le Komintern (ou Internationale communiste), l'appel à la révolution mondiale prononcé par Lénine et les insurrections ouvrières.
Mais ces insurrections se traduisent par des échecs. Ensuite, l'URSS doit avant tout faire face à ses difficultés intérieures et à l'état catastrophique de son économie.
Et après 1922 et conformément à la doctrine Monroe énoncée en 1823, les Américains se refusent à toute intervention en Europe et limitent leur domaine d'influence au continent américain.
Ce mouvement de repli est d'ailleurs renforcé par la crise de 1929.
Ainsi, après 1922, pendant l'entre-deux guerres, chaque camp reconnaît en l'autre un ennemi, mais sans jamais aller jusqu'à la confrontation.
Les deux grands vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale.
En 1946, le contexte a changé. L'Europe, ravagée par la guerre, a perdu sa puissance et son faste. Elle doit s'atteler à sa reconstruction. Par ailleurs, les empires coloniaux français et anglais sont en perte de vitesse. L'URSS, qui a énormément souffert de la guerre, se relève avec un prestige immense en Europe, car c'est finalement elle qui a libéré le plus de territoires du joug nazi. Les Etats-Unis, malgré l'effort de guerre, sortent économiquement renforcés et ont montré à l'URSS leur supériorité militaire en lançant la bombe atomique sur le Japon. Face à la victoire totale sur les forces de l'Axe et à la faiblesse de l'Europe, les Etats-Unis et l'URSS, alors encore alliés, sont deux grandes puissances en mesure de dominer le monde.
La tombée du "rideau de fer".
Dans ce contexte, une multitude d'éléments explique les tensions croissantes entre ce qui va devenir les "deux blocs". Longtemps, l'historiographie de chaque camp renvoyait la faute sur l'autre : ainsi, pour les Occidentaux, la Guerre froide serait due au non respect des accords de Yalta. En effet, Staline n'a pas permis la tenue d'élections libres (au sens où l'entendent les Européens) dans les Etats libérés par l'Armée rouge. De son côté , l'URSS retient la politique ouvertement anti-communiste de Truman, la doctrine du containment (endiguement). En réalité, ces causes s'imbriquent et il est difficile d'attribuer une responsabilité à un camp plus qu'à l'autre.
Avant la fin de la guerre, Churchill et Staline pensent déjà en terme de zone d'influence. C'est ainsi que, dès octobre 1944, les deux hommes font chacun des concessions quant aux territoires dans lesquels ils pourront intervenir. Contrairement à ce qu'on a souvent dit, il ne s'agit pas à proprement parler d'un "partage de l'Europe". En effet, il s'agit moins de s'approprier un pays ou d'en déterminer les frontières que de se mettre d'accord sur le soutien apporté à tel ou tel régime. Ainsi, Staline s'engage à ne pas soutenir les communistes grecs et yougoslaves tandis que Churchill n'aidera pas les libéraux hongrois et roumains.
Mais en 1945, les accords de Yalta remettent en cause cette entente en affirmant le droit des pays libérés aux élections libres et démocratiques. La conception des élections libres de Staline n'est pas celle de Truman. Rapidement, les Partis communistes nationaux occupent une place centrale dans les pays de l'Est et les élections sont truquées. Churchill, qui s'inquiète de cette situation depuis 1945, prononce en 1946 le discours de Fulton, où il dénonce le rideau de fer qui scinde désormais l'Europe. Si Churchill n'est plus Premier ministre à cette époque, son discours a un énorme retentissement. La rupture entre le "monde libre" et "le monde communiste" n'est plus un secret.
La doctrine Truman aux Etats-Unis.
Dès 1944, les Américains préparent leurs armes économiques avec les accords de Bretton Wood. Si ces mesures visent l'Axe, elles ouvrent la voie pour le volet économique de la doctrine Truman. Face à la situation qui se dégrade en Europe centrale, le président américain Harry Truman décide de mettre en place sa politique de containment (endiguement). Il annonce le 12 mars 1947 sa vision d'un monde scindé en deux camps opposés et irréconciliables. A la tête du "monde libre", opposé au communisme, les Etats-Unis prennent rapidement la tête d'initiatives politiques, économiques et militaires qui ont pour but d'empêcher l'expansion du communisme.
Le plan Marshall aux Etats-Unis.
Le plan Marshall est proposé dès le 5 juin 1947. Ses objectifs sont multiples, comme aider financièrement l'Europe pour empêcher la pauvreté de s'installer, terrain qui serait favorable au communisme, et permettre à l'économie des Etats-Unis qui a été modifiée pendant la guerre, de se maintenir à un bon niveau grâce aux exportations vers l'Europe. Les Etats-Unis aident l'Europe qui, avec ces capitaux, peut ainsi acheter des produits américains. Si Truman déclare dans son discours que la politique des Etats-Unis "n'est dirigée contre aucun pays ni doctrine", la mise en œuvre du plan scinde définitivement l'Europe en deux. D'un côté, les pays occidentaux acceptent, et s'organisent en créant l'OECE, qui jette les bases de la future construction européenne. Les pays de l'autre côté du rideau refusent, parfois sous la contrainte de Moscou.
Le rapport Jdanov en URSS.
L'URSS répond au containment et au plan Marshall avec le rapport Jdanov, dès septembre 1947 : celui-ci fustige "l'impérialisme américain" et présente l'URSS comme le leader des "pays démocratiques". Elle met par ailleurs en place le Kominform qui est chargé de contrôler l'orthodoxie des PC nationaux. Moscou réplique au plan Marshall en 1949 en instaurant le Conseil d'assistance économique mutuelle (le CAEM ou COMECON en anglais), institution chargée de mieux planifier les spécialités industrielles nationales. Cette mesure rend les pays communistes très dépendants les uns des autres, mais surtout de l'URSS. Symboles de cette lutte, les communistes des gouvernements de l'Europe de l'ouest (France, Italie) sont dans une position délicate : pour les démocrates, ils ne sont plus les bienvenus, et pour le Kominform, leur participation à un régime occidental est synonyme de trahison. Ils désertent alors l'exécutif et se rangent dans l'opposition.
Les deux blocs s'établissent.
En l'espace d'un an, les tensions latentes se sont transformées en une opposition frontale. Le divorce est consommé entre les membres de la Grande Alliance. Les deux années suivantes prolongent les actions engagées, tandis que les hostilités suivent le rideau de fer. Le processus économique mondial engagé par les Etats-Unis à Bretton Woods et par le plan Marshall franchit un nouveau pas avec les accords du GATT (General Agreement on Tariffs and Trade, Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce). Ancêtre de l'OMC, cet accord signé par 83 pays et entrant en vigueur dès janvier 1948 instaure le libre échange à l'échelle mondiale.
Le coup de Prague en 1948.
De son côté, Staline renforce son contrôle sur les territoires d'Europe centrale libérés par l'Armée rouge. Cette domination est symbolisée par le coup de Prague le 25 février 1948. Après avoir dû abandonner les aides du plan Marshall, le président tchécoslovaque Beneš est victime d'un véritable coup d'Etat communiste. Seul pays d'Europe centrale à avoir une véritable tradition démocratique avant la guerre, la Tchécoslovaquie entre dans le cercle des démocraties populaires. Ce coup de force participe à une escalade des tensions Est-Ouest, qui laisse penser qu'une Troisième guerre mondiale est imminente.
La création de l'OTAN.
Ainsi, dès le mois de juillet, les pays de l'Europe de l'ouest se retrouvent à Washington pour un accord militaire hors du cadre de l'ONU. C'est alors qu'est décidée la création de l'Alliance Atlantique et de son pendant militaire, l'OTAN. Celle-ci prend véritablement naissance en avril 1949. A ce titre, la réaction de l'URSS est assez tardive puisque le pacte de Varsovie n'est créé qu'en 1955. Mais l'Armée rouge, dont la progression face aux nazis a suffi pour donner une idée de sa puissance, est encore stationnée un peu partout en Europe centrale. Dès lors, maintenant que les acteurs sont prêts, c'est la phase la plus aiguë de la Guerre froide qui commence, celle des crises et des conflits périphériques. D'autant plus qu'une nouvelle région de crise apparaît après la victoire du Parti communiste de Mao, en octobre 1949, en Chine. Mais, parallèlement à cette tension, un nouveau facteur d'équilibre entre en jeu : la maîtrise de l'arme nucléaire par l'URSS, due essentiellement à un excellent service d'espionnage. La Grande Alliance contre les forces de l'Axe n'a survécu qu'un an à la défaite de l'Allemagne et du Japon.
De 1949 à 1953, l'apogée de la Guerre froide.
Depuis 1945, l'espoir né de la victoire des Alliés sur les nazis a peu à peu laissé place à une opposition entre le communisme et le libéralisme. Les deux principales puissances alliées s'opposent sur la politique à appliquer dans les territoires libérés. D'où les appellations de bloc de l'est, regroupant les démocraties populaires européennes derrière l'URSS, et de bloc de l'ouest, regroupant les démocraties européennes alliées aux Etats-Unis. Le vieux continent est traversé par le rideau de fer, selon l'expression de Churchill, qui dénonce dès 1946 l'absence de transparence des Soviétiques en Europe de l'est. Mais le conflit s'étend rapidement en Asie, notamment après la victoire des communistes dans la guerre civile chinoise. Durant quatre ans, la tension est à son paroxysme, notamment à Berlin et en Corée, jusqu'à la mort de Staline.
Le blocus de Berlin durant la guerre froide.
Après le coup de Prague le 25 février 1948, toute l'Europe centrale et orientale est gouvernée par les régimes communistes, tandis que l'Europe occidentale se range du côté des Etats-Unis et cherche à préserver son système démocratique. L'Allemagne, et dans une moindre mesure l'Autriche, occupées par les Alliés, deviennent rapidement les enjeux de la lutte d'influence entre URSS et Etats-Unis. A l'ouest, Américains, Britanniques et Français décident d'accélérer le redressement économique de l'Allemagne. C'est, selon eux, le meilleur moyen de faire barrage au communisme et de favoriser la réconciliation entre l'ex-Allemagne nazie et ses voisins. Ainsi, sans consulter l'URSS, ils décident de fusionner leurs zones d'occupation et de créer une nouvelle monnaie, le Deutsch Mark. A terme, l'objectif est l'indépendance politique du pays, quitte à le séparer de la zone soviétique.
Staline réagit vivement à cette décision en organisant le blocus de Berlin : toutes les voies ferrées et routières reliant Berlin-ouest à la zone occidentale sont coupées. En effet, aucun accord n'assure la libre circulation des occupants de la zone ouest sur le territoire de la zone soviétique. Mais pour les Occidentaux, il n'est pas question d'abandonner Berlin aux Soviétiques. C'est pourquoi ils organisent rapidement un pont aérien, dont la légitimité est en revanche garantie par le traité d'occupation. Jusqu'au 12 mai 1949, des milliers de vols permettront le ravitaillement des Berlinois.
Après presque un an, Staline cède et lève le blocus, mais la rupture entre les occupants est consommée. Dès le 25 mai, la zone d'occupation occidentale devient la RFA. Quelques mois plus tard, en octobre, l'URSS répond en créant la RDA. Les accords de Potsdam, rompus par les Occidentaux lors de la fusion des zones, n'ont désormais plus cours. L'Allemagne reste pendant des années le symbole de la lutte d'influence entre l'ouest et l'est. Les Américains prônent dès 1950 son réarmement. Passant par le projet de Communauté européenne de défense (la CED), ce réarmement se heurte à de vives polémiques, notamment en France. Zone occupée, mais bénéficiant d'un gouvernement autonome, l'Autriche échappe en revanche à ces conflits.
La crise sur le terrain asiatique.
Bien que soutenus par les Etats-Unis, les nationalistes chinois s'inclinent en 1949 face aux communistes menés par Mao. L'arrivée au pouvoir de ce dernier bouleverse la géopolitique asiatique. En effet, la domination japonaise durant la guerre a fortement contribué à l'émergence ou au renforcement des revendications nationalistes, qui ont souvent l'appui (formel ou concret) des Etats-Unis. Mais les communistes sont très actifs dans les combats et disposent désormais avec la Chine d'un soutien de masse. Ne désirant pas voir les pays communistes se multiplier en Asie, les Etats-Unis révisent alors leur diplomatie. Cela les convainc notamment d'aider financièrement la France dans la guerre d'Indochine. Mais les événements les plus dangereux pour la paix mondiale se déroulent lors de la guerre de Corée, dans laquelle les deux puissances ne peuvent s'empêcher d'intervenir (pour en savoir plus : La guerre de Corée).
Pour beaucoup d'historiens, le règlement du conflit a été facilité par la mort de Staline le 5 mars 1953. La guerre froide a atteint son apogée lors de la guerre de Corée et le règlement du conflit annonce une détente. Il est fort probable que le changement de personnalité à la tête du pays (Eisenhower succède à Truman à la présidence des Etats-Unis la même année) ait contribué à cette inflexion des relations diplomatiques entre les deux pays. En Asie, cette guerre a aussi pour conséquence l'accélération du redressement du Japon : comme avec la RFA, les Etats-Unis souhaitent un Japon prospère et allié, qui puisse résister à la Chine et à l'URSS. En 1951, le traité de San Francisco définit les conditions de la fin de l'occupation et de l'indépendance. Les Etats-Unis souhaitent aussi accélérer une remilitarisation partielle du pays. Cette volonté se traduit par la signature d'un traité d'assistance militaire en août 1953.
La guerre idéologique à l'intérieur.
Les tensions de la guerre froide ne se manifestent pas uniquement sur le terrain international, elles se traduisent également par des troubles en terme de politique intérieure, en URSS et aux Etats-Unis. En URSS, Staline renforce depuis 1939 son pouvoir et le culte de la personnalité. L'idéologie se durcit. A partir de 1948-1949, ce mouvement subit une nouvelle accélération. En 1952, Staline annonce qu'il souhaite opérer quelques modifications dans le fonctionnement des institutions. Mais surtout, au début de l'année 1953, il fait dénoncer par la Pravda le complot des blouses blanches. Le procès annonce une nouvelle purge s'attaquant aux juifs, aux intellectuels et aux cadres des institutions. Il est dénoncé par Khrouchtchev après la mort de Staline, et les victimes sont réhabilitées.
Mais la guerre idéologique de l'intérieure n'est pas une exclusivité soviétique. Les Etats-Unis cèdent également à la théorie du complot avec le maccarthysme, également appelé "Chasse aux sorcières" ou "Terreur rouge". Là aussi, les moyens mis en œuvre sont politico-judiciaires. En 1938, puis en 1947, les Etats-Unis ont mis en place et favorisé l'action d'un comité visant à repérer et surveiller les ennemis des Etats-Unis. Mais en 1950, les événements prennent une nouvelle tournure lorsque le sénateur McCarthy dénonce la présence de communistes dans l'administration américaine. La maîtrise de l'arme nucléaire par les Soviétiques depuis août 1949 renforce les peurs américaines. Le climat de suspicion est entretenu par le procès Rosenberg, et surtout lorsque McCarthy obtient un poste d'influence en 1952. Sa commission, qui se contente souvent de doutes pour mettre en accusation, aboutit à de nombreuses accusations, démissions et révocations dans la fonction publique. Des personnalités d'Hollywood font même le choix de l'exil. Ce climat s'apaise à partir de 1954, lorsque McCarthy met en cause des personnalités militaires de premier ordre, perdant ainsi brusquement toute crédibilité.
De 1953 à 1962, la coexistence pacifique.
La fin des années 1940 et le début des années 1950 marquent l'apogée de la guerre froide. La guerre idéologique bat son plein tandis que les sphères d'influence se structurent à l'échelle mondiale. Mais l'impasse de la guerre de Corée incite les belligérants à plus de prudence : c'est l'équilibre de la terreur. Tandis que Khrouchtchev prend la suite de Staline et Eisenhower celle de Truman, le conflit entre dans une nouvelle phase : la coexistence pacifique. Malgré quelques accrocs, les zones d'influence de chaque bloc sont établies pour des années.
Déstalinisation et volonté de dégel à l'Est.
L'année 1953 marque un tournant au sein de la guerre froide : la guerre de Corée s'achève et l'URSS entre dans une phase de "déstalinisation", tandis qu'Eisenhower, bien que sans complaisance envers le communisme, souhaite la paix. C'est le début du dégel, de la coexistence pacifique entre les deux nations, c'est-à-dire d'une période où chacun reste hostile à l'autre tout en refusant l'escalade des tensions. La mort de Staline, puis l'arrivée au pouvoir de Khrouchtchev en septembre 1953, modifient considérablement la politique intérieure et extérieure de l'URSS. Le nouveau dirigeant soviétique décide de rompre avec la stratégie de son prédécesseur, qui s'est éloigné de plus en plus des idéaux bolcheviques développés par Lénine.
Sa politique prend tout son sens en 1956, année où il profite du XXème Congrès du PCUS pour présenter un rapport secret. Il y développe deux théories majeures pour la gouvernance du pays. Tout d'abord, il accable l'ère stalinienne, dénonçant les abus, le culte de la personnalité ou encore les erreurs commises lors de la Seconde Guerre mondiale. Le nouvel homme fort du bloc communiste, qui avait mis un terme aux purges du "complot des blouses blanches" dès 1953, change considérablement l'image et le fonctionnement du régime. La censure se relâche et le goulag est réformé pour plus de justice, jusqu'à y perdre son nom. C'est la déstalinisation. Khrouchtchev expose ensuite sa doctrine de coexistence pacifique, caractérisée par la non-agression, la non-ingérence et la possibilité de coopération économique avec les Etats-Unis. Le capitalisme est toujours désigné comme l'ennemi impérialiste, mais la guerre n'est plus inévitable. L'insurrection hongroise montre les avancées et les limites de la politique de Khrouchtchev.
Le tiers-monde entre en jeu.
Après l'armistice du 23 juillet 1953 en Corée, la situation politique en Asie demeure problématique, notamment à cause de la Guerre d'Indochine. La situation des Français est très difficile, puis catastrophique après Diên Biên Phu. La déroute de l'armée française s'est accompagnée d'un refus des Etats-Unis de s'investir dans le conflit. La situation aboutit finalement le 21 juillet 1954 aux Accords de Genève, qui reconnaissent l'indépendance de l'Indochine. La géopolitique mondiale connaît rapidement un bouleversement. Grâce aux victoires des indépendantistes dans les guerres de décolonisation, comme en Indochine, une nouvelle force émerge et se réunit à Bandung : le tiers-monde. La conférence des non-alignés se tient du 18 au 24 avril 1955 en Indonésie et est l'occasion pour des personnages comme Nasser ou Nehru de s'affirmer sur la scène internationale. Les pays représentés condamnent le colonialisme et affirment haut et fort leur volonté de ne se fondre dans aucun des deux blocs. Ils se présentent comme une troisième force.
L'affaire du Canal de Suez illustre ce réajustement à la fin de l'année 1956. Lorsque la France, l'Angleterre et Israël attaquent l'Egypte pour éviter la nationalisation du canal de Suez, ils sont rappelés à l'ordre à la fois par les Etats-Unis et l'URSS. Ils doivent alors céder à Nasser. Ainsi, le tiers-monde obtient sa première victoire, tandis que les Etats-Unis et l'URSS démontrent leur volonté de conserver un certain statu quo concernant les zones d'influence. L'humiliation ressentie par la France et l'Angleterre prouve que l'Europe n'est désormais plus en mesure de s'imposer dans le monde face aux deux super puissances. L'Europe est d'ailleurs le théâtre d'un nouveau drame en 1956, lors de l'Insurrection de Budapest. En octobre et en novembre, la ville se révolte contre la présence soviétique et le gouvernement communiste. Face à cette situation, Khrouchtchev montre les limites de la déstalinisation : il envoie ses troupes réprimer le soulèvement dans le sang. Ni les démocraties européennes, ni les Etats-Unis ne réagissent : le respect des zones d'influence propre à la coexistence pacifique est alors une réalité.
La course à l'armement nucléaire.
Paradoxalement, la relative détente des relations internationales entre les deux grands s'accompagne d'une compétition acharnée dans le domaine de l'équipement militaire : c'est la course aux armements. La maîtrise de la bombe A par les Soviétiques en 1949 avait entraîné une vague d'angoisse dans la population américaine et fortement contribué au succès du maccarthysme. Le 1er novembre 1952, les Etats-Unis démontrent une nouvelle fois leur avance en testant la bombe H. La bombe à hydrogène, ou bombe à fusion nucléaire, est beaucoup plus puissante qu'une bombe A. Tandis que la puissance de cette dernière est estimée en kilotonnes de TNT, celle de la bombe H se compte en mégatonnes.
Avec ce nouvel équipement, les Etats-Unis pensent retrouver leur force de dissuasion. Cependant, il faut moins d'un an à l'URSS pour disposer de la même arme. Les pays alliés des Etats-Unis participent à cette course : ainsi, la Grande-Bretagne s'équipe en 1952 d'une bombe A (en 1957 pour la bombe H), la France en 1960. Côté communiste, la Chine n'obtient la bombe qu'en 1964. La bombe H la plus puissante de l'histoire est testée par les Soviétiques en 1961. Développant entre 50 et 57 mégatonnes, elle représente environ 4 000 fois la puissance de la bombe larguée sur Hiroshima. Parallèlement à ces avancées militaires, les blocs vont aussi s'affronter dans le domaine de la conquête spatiale, un autre terrain de compétition où l'URSS prend les premières initiatives.
Berlin et le mur de la honte.
Si le cas de l'Allemagne semble avoir été réglé par la partition du pays en 1949-50, le statut de Berlin est encore problématique. Le pays avait en effet été coupé en deux après la Seconde Guerre mondiale, avec une Allemagne communiste tournée vers l'URSS et une Allemagne occidentale occupée par les Britanniques, les Américains et la France. La ville de Berlin a quant à elle été divisée en quatre morceaux, formant une enclave occidentale à l'Est. Construit en 1961 afin de séparer l'Allemagne de l'Est (RDA) et l'Allemagne de l'Ouest (RFA), le mur de Berlin devait limiter l'exode croissant des Allemands de l'est vers l'ouest. Le "mur de la honte" reste en place plus de 28 ans, jusqu'à ce célèbre jour du 9 novembre 1989 (pour en savoir plus : La construction du mur de Berlin).
Crise des missiles de Cuba.
En 1962, le conflit change subitement de visage avec la crise des missiles de Cuba. Après la révolution cubaine et l'arrivée au pouvoir de Fidel Castro, les rapports se tendent avec les Etats-Unis. Le président Kennedy prend la décision de renverser le nouveau pouvoir en place, mais échoue. Les cubains en profitent pour s'allier à l'URSS. Alors que les Américains avaient installé des rampes de lancement de missiles en Europe, les Soviétiques font de même sur l'île cubaine (pour en savoir plus : La crise des missiles de Cuba).
De 1962 à 1991, la fin de la Guerre froide.
Avec la crise des fusées, la coexistence pacifique a montré ses limites. N'ayant pas empêché la course aux armements et n'excluant pas les provocations, elle n'a pas écarté le risque d'une Troisième Guerre mondiale. A l'image de la guerre de Corée, le climat de tension paroxystique incite à changer de politique dans les camps, revirement permis encore une fois par les renouvellements à la tête de chaque Etat. En effet, Kennedy est assassiné le 22 novembre 1963, tandis que Khrouchtchev est relevé de ses fonctions le 15 octobre 1964. Une nouvelle ère peut alors s'ouvrir : l'ère de la Détente.
La détente de 1962 à 1974.
A la suite du conflit cubain, les deux grands "ennemis" se rapprochent. Des traités sont signés en matière d'armement et le fameux téléphone rouge est installé entre le Kremlin et la Maison-Blanche en 1963. Pourtant, les efforts des deux pays sont stoppés par l'assassinat de John Fitzgerald Kennedy le 22 novembre 1963 à Dallas. Le président américain est mortellement touché lors d'un défilé. Un certain Lee Harvey Oswald est arrêté quelques heures plus tard. L'année suivante, en octobre 1964, Nikita Khrouchtchev est écarté du pouvoir par les autres dirigeants du Parti communiste de l'Union soviétique. Un nouveau couple va ainsi entrer aux commandes : Léonid Brejnev pour l'URSS et Lyndon Johnson pour les USA.
Toutes deux favorables à la détente, les deux puissances vont chacune se focaliser sur des terrains différents facilitant le dialogue et les échanges. Les Etats-Unis vont ainsi s'engager massivement dans la guerre du Viêt Nam à partir de 1965. Le conflit dure déjà depuis les années 1950 au sein du pays scindé par les accords de Genève. Kennedy avait tenté d'intervenir, mais lorsque des navires américains sont pris pour cible dans le golfe du Tonkin, les USA ne peuvent pas ignorer l'attaque. Le pays est bombardé et des troupes sont envoyées. Richard Nixon arrive au pouvoir en 1969 et poursuit la guerre. Le conflit s'enlise jusqu'aux accords de Paris en 1973. Les Américains se retirent et le Nord Viêt Nam communiste réunifie le pays par la force en 1975.
Les Soviétiques se concentrent quant à eux sur la puissance de leur pays. La course à l'armement est relancée au prix de gros efforts économiques. La propagation du communisme devient indispensable. Lorsqu'Alexander Dubček arrive au pouvoir en 1968 en Tchécoslovaquie, le nouveau leader accumule les réformes pour plus de démocratie et de liberté. C'est le Printemps de Prague. L'URSS réagit rapidement et, quelques mois plus tard, le pays est envahi par les troupes soviétiques du Pacte de Varsovie. Dubček est évincé, les réformes sont abandonnées et le pays perd une partie de sa souveraineté.
La détente a aussi lieu en Europe avec l'Ostpolitik de l'Allemagne de l'Ouest (RFA) menée par le chancelier Willy Brandt, qui vise à faciliter les relations avec le bloc de l'est. La France de Charles de Gaulle prend quant à elle ses distances face aux Etats-Unis et se retire de l'OTAN, tout en restant membre de l'Alliance atlantique. En 1975, trente-trois états européens en plus des USA et du Canada signent les accords d'Helsinki. Ce pacte entérine un certain nombre de concessions acceptées par les deux blocs sur la coopération économique, la liberté, la sécurité et les droits de l'homme.
Dans le reste du monde, la situation n'est pas aussi détendue. La Chine rompt avec l'URSS en raison de son idéologie communiste divergente et tente d'obtenir l'allégeance d'autres pays communistes. A la fin de la guerre du Viêt Nam, Chine et Etats-Unis se rencontrent. L'ONU admet la Chine au Conseil de sécurité. En Asie, les conflits se succèdent. Les Khmers rouges contrôlent notamment le Cambodge. Le conflit israélo-arabe est nourri par la Guerre froide. La décolonisation se poursuit en Afrique, tandis que l'Amérique latine lutte contre le communisme.
La guerre fraîche de 1975 à 1985.
Le scandale du Watergate et le premier choc pétrolier de 1973 affaiblissent les USA et Richard Nixon est contraint de démissionner en 1974. Les Américains s'isolent et les Soviétiques en profitent pour intervenir plus largement dans le monde. C'est la "guerre fraîche". Malgré les accords sur l'armement signés entre Jimmy Carter et Léonid Brejnev en 1979, la guerre d'Afghanistan (1979 - 1989) fait monter le conflit d'un cran. Les Soviétiques interviennent en effet en décembre 1979 sur le territoire afghan, afin de soutenir la faction afghane communiste du pays. De plus, en 1977, l'URSS a installé des missiles à ses frontières pouvant notamment atteindre l'Europe. C'est la crise des euromissiles. En réponse, les Etats-Unis lancent la doctrine Carter, qui annonce le recours à la force en cas d'ingérence dans le golfe Persique, et le boycott des Jeux olympiques de 1980.
Elu en 1981, Ronald Reagan devient le nouveau président des Etats-Unis. Conservateur, il durcit les relations avec l'URSS, notamment lorsque les Soviétiques abattent un avion reliant New York à Séoul en 1983. La même année, il rend publique l'Initiative de défense stratégique (IDS), que les médias surnomment "guerre des étoiles". Il s'agit d'un bouclier de protection capable d'arrêter les missiles au-dessus du pays. De son côté, l'OTAN tente de résoudre la crise des euromissiles en installant à son tour des armes pouvant atteindre l'URSS, et en entamant des négociations avec les Soviétiques. Un accord est finalement trouvé en 1988. Une nouvelle détente est entamée.
La nouvelle détente de 1985 à 1991.
L'année 1985 est marquée par l'arrivée de Mikhaïl Gorbatchev au pouvoir à l'est. La plupart des anciens dirigeants du parti communiste sont décédés après la mort de Léonid Brejnev en 1982, emportant avec eux la ligne dure du parti. Appartenant à une nouvelle génération plus encline à la détente, Gorbatchev entame la restructuration et l'ouverture économique de l'URSS (perestroïka) et élargit le cadre des libertés de ses habitants (glasnost). Mais le territoire ne semble pas prêt à de tels changements et sombre dans une crise économique, puis politique, jusqu'à son effondrement en 1991.
Les deux mandats de Reagan (1981 - 1989) à la présidence des Etats-Unis ont entraîné la reprise des dépenses militaires à grande échelle. Les Américains ont multiplié les avancées technologiques et les Soviétiques commencent à avoir du mal à suivre. La course à l'armement est considérée comme un autre des facteurs à l'origine de l'effondrement de l'URSS. Dès son arrivée au pouvoir, Gorbatchev, conscient des problèmes économiques de son pays, multiplie les rencontres internationales et en appelle donc au désarmement mondial. Le dirigeant est récompensé de ses efforts et des différents traités signés par le prix Nobel de la paix en 1990.
En 1988, Gorbatchev fait un discours à l'ONU, où il condamne le recours à la force dans la politique étrangère et valide la liberté de choix des populations. De nouvelles bases sont posées, l'armée soviétique n'interviendra plus pour protéger les régimes communistes des différents pays d'Europe de l'est.
Gorbatchev se retire de la guerre d'Afghanistan. L'émancipation des peuples sous tutelle soviétique est lancée et prend une tournure imprévue lors de la chute du mur de Berlin en 1989. Cet événement provoque d'ailleurs la levée du rideau de fer, la chute des régimes communistes à l'est et la réunification de l'Allemagne.
La chute de l'URSS et le dénouement de la guerre froide.
En 1991, l'élection de Boris Eltsine en tant que président de la République socialiste fédérative soviétique de Russie et le putsch de Moscou par des communistes "extrémistes" affaiblissent de nouveau le pouvoir soviétique en place. Les partisans de la République d'Eltsine et les présidents élus en Biélorussie et en Ukraine signent l'accord de Minsk, afin que les Etats acquièrent leur indépendance.
La CEI (Communauté des États indépendants) est créée, l'URSS a disparu et Mikhaïl Gorbatchev démissionne.
La guerre froide prend fin avec la disparition de l'un des principaux protagonistes, et laisse la place à une unique super-puissance : les Etats-Unis, pour un nouvel ordre mondial.