"C'est du lavage de cerveau. Ça me rend malade."
Delphine voit sa mère sombrer et se sent "impuissante", "démunie". "J'ai passé des heures au téléphone à essayer de lui faire comprendre. Je me suis forcée à regarder ses vidéos. C'est du lavage de cerveau. Ça me rend malade. On lui a fourni des documents, on lui a envoyé des liens... Rien ne marche. Elle ne retient que les infos qui vont dans son sens."
Anne n'a pas eu plus de succès avec ses amies. "J'ai essayé de démonter point par point ce qu'elles me disaient. Mais mes arguments rationnels ne les atteignaient pas. Ce n'était pas possible de les raisonner."
"On s'est énormément disputées. J'ai passé des soirées à pleurer. C'est un vrai mal-être pour toute la famille. Ça nous bouffe."
Delphine

Face à son mari, qui "s'est rapproché des théories complotistes" et des thèses des "professeurs rassuristes", "après le premier confinement", Dominique, elle, a choisi d'éviter le sujet pour préserver leur relation. Parce que chacun a "un tempérament assez fort", le couple de retraités de 72 et 68 ans "s'est accroché de temps en temps". La discussion s'est arrêtée là. Dans une impasse. "On n'en parle plus, parce qu'on ne peut pas se comprendre. Il a ses références. Moi, je n'ai pas les mêmes." Dominique et son mari trouvent donc d'autres sujets de conversation et d'autres occupations. Ils marchent beaucoup dans la campagne autour de leur résidence de Pont-sur-Yonne (Yonne).

Delphine, qui s'est rendu compte récemment de "tout ce que peut ingurgiter" sa mère, continue de batailler. "Je lui ai dit : 'Tu le sais que Facebook ne te montre que ce que tu as envie de voir. C'est un autre monde qui t'a été façonné. Tu es prise au piège. Il faut que tu exerces ton esprit critique.'" En vain. "Elle a découvert internet sur le tard. Elle ne maîtrise pas bien. Pourtant, elle y passe son temps. Elle relaie tout ce qu'elle voit." Pour sa fille, Christine n'a "plus de bon sens", "plus de recul".
"Je ne pensais pas que des gens qui avaient la tête sur les épaules pouvaient être si sensibles à des thèses aussi irrationnelles."
Anne
A Pau (Pyrénées-Atlantiques), Théo fait le même constat avec "une grande tristesse". Cet étudiant en droit de 20 ans a "perdu une amie". Celle-ci s'est "prise de passion" pour la crise sanitaire, jusqu'à "sombrer dans le conspirationnisme". Au point que le film Hold-up est devenu l'unique sujet de conversation. Mais le terrain d'entente est impossible entre les deux amis de fac. Théo dit avoir "fait de [son] mieux pour essayer de la raisonner, pour lui rappeler comment elle exerçait son esprit critique, avant". "Ça n'a pas marché." Il a laissé tomber. "Ce qui me chagrine, c'est de voir à quel point elle a sombré. Son esprit critique a complètement disparu et elle s'est réfugiée derrière un discours préconstruit."