"Une dérive sectaire."
Delphine compare cette "épouvantable" trajectoire suivie par sa mère, "toute seule derrière son écran d'ordinateur", à "une dérive sectaire". "Le discours complotiste s'est greffé sur des problèmes qu'elle n'avait pas réglés dans sa vie. Tout ça s'est cristallisé et exacerbé." La fille ne parvient pas à enrayer la spirale infernale qui emporte sa mère. "Elle est dans un mal-être encore pire, parce que ça entretient sa peur, sa haine." "Elle a une construction du monde qui n'est pas celle du monde réel." Anne aussi le constate avec ses amies : "On est dans deux mondes différents."
"Pour moi, elle est partie et elle ne reviendra pas. Ce qui m'inquiète, c'est que je ne sais pas jusqu'où elle peut aller."
Delphine
Delphine en vient à ne plus faire confiance à sa propre mère. "A un moment, je lui ai même dit : 'Je ne te donnerai plus les enfants à garder'." Bien qu'horrifiée, elle parvient encore à la comprendre. "Au début, elle a eu très peur du Covid. Elle s'est mise à regarder pas mal de choses sur internet et à partir vers des sites clairement complotistes. Ça vient la conforter. Elle a l'impression d'exister, de faire quelque chose, d'être importante, parce qu'elle, elle a la vérité, et nous, on ne sait rien, on ne comprend pas."

Anne aussi cherche une explication. "On est tous tendus, tous crispés, tous émotifs, à cause de cette pandémie. Je pense que ça a amplifié quelque chose." Rosie également tente de justifier le comportement de son amie. "On est dans une période où tous nos repères sont bousculés." Delphine n'est "pas sûre" cependant que la fin de l'épidémie donne un coup d'arrêt au succès des théories du complot. "Le complotisme a de beaux jours devant lui. Ce discours s'adapte à tout. Il fait des dégâts considérables. Ça démolit des vies. Ça m'effraie plus que le Covid."
* Le prénom a été modifié à la demande de l'intéressée.