
Une équipe de chercheurs a utilisé l'intelligence artificielle pour percer les mystères d'un phénomène encore mal compris : le plasma poussiéreux. Leur modèle a révélé des interactions invisibles jusque-là, bousculant certaines idées reçues.
À bien des égards, l'intelligence artificielle peut représenter un danger, aussi bien pour l'environnement qu'en alimentant la désinformation. Néanmoins - comme le rappelle Popular Mechanics - certains modèles d'apprentissage automatique (ou ML pour machine learning) se révèlent de plus en plus utiles dans le domaine scientifique.
Grâce aux ML, une équipe de scientifiques de l'université Emory à Atlanta a réussi à découvrir des phénomènes méconnus liés au "plasma poussiéreux", jusqu'à soulever de nouvelles lois de la physique.
Une description inédite de la physique des plasmas poussiéreux.
Le plasma est souvent appelé le "quatrième état de la matière" : un gaz chauffé tellement fort que ses atomes se décomposent en particules chargées (ions et électrons). Les plasmas poussiéreux, eux, contiennent en plus de minuscules grains de poussière également chargés électriquement. On peut trouver ce type de plasma aussi bien dans l'espace que dans certains environnements terrestres comme les incendies.
Dans une étude publiée dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), les chercheurs révèlent que leur modèle de ML a fourni la description la plus détaillée à ce jour de la physique des plasmas poussiéreux. Ils montrent que dans ce type de plasma, les particules chargées n'interagissent pas toujours de manière symétrique, ce qui crée des effets d'attraction et de répulsion asymétriques. C'est ce que l'on appelle des "forces non réciproques". Dans un plasma poussiéreux, cela signifie qu'une particule en tête attire celle qui la suit, tandis que cette particule suiveuse la repousse. Autrement dit, les particules jouent à une sorte de "fuies moi je te suis, suis moi je te fuis".
Ce phénomène, bien que pressenti par certains, n'avait jamais été décrit avec autant de précision. Le modèle d'apprentissage automatique développé par l'équipe a permis d'obtenir une approximation très fine de ces interactions, ce qui améliore considérablement notre compréhension des forces à l'œuvre dans ces plasmas complexes.
L'IA, un outil précieux dans la quête de l'inconnu.
L'algorithme de machine learning a aussi permis de remettre en question certaines idées reçues sur le plasma poussiéreux. Jusqu'ici, les scientifiques pensaient que la charge électrique d'une particule variait directement avec sa taille. Or, le modèle révèle que ce lien n'est pas aussi simple : si une particule plus grande porte effectivement une charge plus importante, celle-ci dépend aussi d'autres facteurs, comme la densité ou la température. De plus, la charge exercée entre deux particules ne dépend pas uniquement de la distance qui les sépare, mais aussi de leurs tailles respectives, ajoutant une couche de complexité.
L'un des défis majeurs de cette recherche a été la conception même de l'algorithme. Contrairement à la reconnaissance d'images, où l'IA s'entraîne sur des millions d'exemples, découvrir de nouvelles lois physiques implique de travailler avec peu de données. L'équipe de l'université Emory a donc dû imaginer une intelligence artificielle capable de tirer le meilleur parti de ces informations limitées tout en gardant la liberté d'explorer des phénomènes encore inconnus. Cette avancée montre que l'intelligence artificielle ne se contente plus de répéter ce que nous savons déjà : elle peut aussi être une alliée pour repousser les limites de nos connaissances.