
Avoir la bouche sèche peut sembler anodin, mais ce symptôme cache parfois un véritable trouble : la xérostomie. Fréquente, surtout avec l'âge ou certains traitements, elle peut altérer le confort quotidien, la santé bucco-dentaire et même la qualité de vie. Voici ce qu'il faut savoir pour mieux la comprendre et la soulager.
Bien plus qu'une gêne occasionnelle, la sécheresse buccale porte aussi le nom de « xérostomie ». Et pour cause : cette affection peut réellement affecter le confort, la santé bucco-dentaire voire même le bien-être général. « Elle peut provoquer une certaine gêne, avoir une incidence sur l'élocution et sur la déglutition, rendre difficile le port de prothèses dentaires, induire une mauvaise haleine (halitose) et aggraver l'hygiène bucco-dentaire en provoquant une diminution de l'acidité de la cavité buccale et une augmentation du développement bactérien, ce qui contribue au développement de caries dentaires. Une sécheresse buccale évoluant depuis longtemps entraîne de sévères caries dentaires et une candidose buccale. », confirme ainsi le Manuel MSD*. Outre l'âge, le stress, l'usage du tabac et l'habitude de respirer par la bouche figurent parmi les principaux facteurs évoqués. Mais la xérostomie apparaît de manière plus générale lorsque les glandes salivaires ne produisent pas assez de salive pour garder la bouche humide. Or, la salive aide à décomposer la nourriture dans la bouche... mais pas seulement.
Ce liquide biologique est en effet très complexe, et plus utile qu'il n'y paraît selon la professeure Athena Papas, membre de la Tufts University School of Dental Medicine (TUSDM). « La salive constitue en quelque sorte le système vasculaire de la dent. Mais ce n'est là qu'une de ses nombreuses fonctions. Elle contient des protéines qui attaquent divers virus. Elle est antibactérienne et antifongique. Ce n'est donc pas simplement de l'eau. C'est important, surtout pour une personne sur cinq qui déclare souffrir de xérostomie. ». Cette condition est facile à reconnaître pour les dentistes, dès lors que le patient se plaint d'une soif accrue, d'une sensation d'avoir la bouche et la gorge collantes et sèches, de lèvres fendillées et langue sèche ou d'une impression de brûlure ou d'irritation de la bouche. « On peut se plaindre de sécheresse buccale tout en ayant encore de la salive. Il ne s'agit pas d'une diminution objective de sa production mais d'une sensation de sécheresse buccale. », explique dans un point d'informations dédié Vidya Sankar, professeure agrégée de sciences diagnostiques au sein du département de médecine buccale de la TUSDM.
Sécheresse buccale : des causes multiples, parfois difficiles à identifier.
Le fait est que certaines personnes ont la sensation d'avoir la bouche sèche alors que leur production de salive est normale tandis que d'autres se sentent bien, mais produisent beaucoup moins de salive que la normale. « La production de salive peut diminuer de 50 % avant même que l'on s'en aperçoive, et elle ajoute : « La sécheresse buccale s'installe vraiment insidieusement. », ajoute Vidya Sankar. Si le mode de vie influence indéniablement la santé buccale, il convient également de s'intéresser aux antécédents médicaux. En effet, certaines maladies peuvent provoquer ou accentuer la sécheresse buccale : celles qui entraînent une déshydratation (comme la fièvre ou la diarrhée), celles qui obstruent le nez, ou encore le diabète ou les maladies affectant les glandes salivaires à l'instar du syndrome de Gougerot-Sjögren (maladie chronique liée à l'insuffisance de sécrétions par certaines glandes du corps). S'ajoute à cela le fait, selon le site du Service public d'information en santé (SPIS), que de nombreux médicaments réduisent la production de salive, ou interfèrent plus précisément avec sa fonction.
Et nombreuses sont les substances en cause dans ce domaine, à commencer par les antihistaminiques, anxiolytiques, antidépresseurs et neuroleptiques, diurétiques mais aussi certains antalgiques et antispasmodiques, antiparkinsoniens (pour la maladie de Parkinson) ou antihypertenseurs (pour traiter l'hypertension). C'est également le cas des chimiothérapies anticancéreuses. « La radiothérapie de la tête et du cou, utilisée pour traiter le cancer, détruit la fonction salivaire. », cite Vidya Sankar. « Parfois, il semble plus facile de parler des médicaments qui ne provoquent pas de sécheresse buccale que de ceux qui en provoquent. Plus de 1 000 médicaments peuvent entraîner une xérostomie à des degrés divers, et plus on prend de médicaments, plus le risque de sécheresse buccale est élevé. » Un constat qui a son importance selon l'experte, puisque de nombreuses personnes âgées connaissent une polymédication. « Ce n'est pas forcément l'âge qui cause la sécheresse buccale, mais de plus en plus de personnes âgées souffrent de maladies et prennent des médicaments pour les contrôler. », ajoute-t-elle.
Comment réagir et soulager la sécheresse buccale ?
Une vraie problématique se pose donc. Car il est déconseillé d'interrompre tout traitement sans avis médical, mais les conséquences potentielles de la sécheresse buccale sont également préoccupantes. « Personne ne souhaite souffrir de mauvaise haleine, de caries, ni de problèmes plus graves et la sécheresse buccale peut affecter la capacité à parler et à manger. », résume Athena Papas. D'où l'importance d'évoquer ce problème avec son médecin traitant : seul ce professionnel de santé pourra remplacer (ou diminuer) le traitement en cours par un autre provoquant moins de sécheresse buccale. Des médicaments pour pallier le manque de salive existent (servant à augmenter sa production par les glandes salivaires), à l'instar de la pilocarpine, mais ne sont efficaces que si ces dernières sont encore capables de sécréter de la salive. Ils sont donc inutiles lorsqu'elles sont détruites (par exemple après une chirurgie ou une radiothérapie). Le dentiste, quant à lui, ne pourra pas résoudre assurément la cause de cette sécheresse buccale, mais pourra aider à garder la bouche propre et à prévenir la carie dentaire et les problèmes de gencives.
A noter d'ailleurs que l'Assurance maladie recommande aux personnes concernées par cette affection de prendre rendez-vous avec leur chirurgien-dentiste tous les 3 à 4 mois, une recommandation d'autant plus importante pour les diabétiques. Il est également possible de se procurer des produits d'hygiène disponibles en pharmacie : des substituts de salive et lubrifiants buccaux, à renouveler au moins toutes les 3 heures et à utiliser aussi avant les repas et au coucher. « Ces produits contribuent à hydrater la muqueuse buccale, selon le degré d'assèchement et d'inconfort. Mais aucun ne remplace totalement la salive naturelle, ils ne possèdent pas ses propriétés protectrices, et leur effet reste de courte durée. », prévient l'Assurance maladie. Le SPIS fait quant à lui savoir que le respect de certaines mesures hygiéno-diététiques s'avère prioritaire. Il s'agit par exemple de toujours avoir une bouteille d'eau sur soi pour humecter la bouche, d'éviter les aliments salés, secs, collants ou très sucrés, de même que la caféine ou les boissons alcoolisées (qui déshydratent). Une astuce en plus pour la nuit consiste à installer un humidificateur d'atmosphère dans sa chambre.
*Le Manuel Merck de diagnostic et thérapeutique, couramment appelé le Manuel Merck, est le plus ancien livre de médecine en anglais publié et réactualisé régulièrement depuis.