Donald Trump, qui a qualifié les migrants mexicains de « criminels », a promis la construction d'un mur frontalier financé par le Mexique, ce qui avait déclenché une crise diplomatique entre les États-Unis et son voisin et avait largement malmené la fierté mexicaine.

Le président américain est attendu ce mardi pour voir plusieurs prototypes de mur qu'il a fait ériger à Otay Mesa, dans une zone aride de San Diego, en face de la ville mexicaine de Tijuana (nord). La venue de Trump à la frontière est ressentie par les Mexicains comme une nouvelle provocation. Sur un ton de défi, certains Mexicains vivant à la frontière assurent que franchir le futur mur n'est pas un problème.

Trump vient pour dire qu'« il fera ce qu'il a dit au sujet du mur », commente à l'Agence France-Presse Eladio Sanchez, installé depuis son enfance dans un quartier humble et poussiéreux situé à quelques mètres de la barrière métallique.

« D'abord, ils ont mis la clôture de métal, puis une maille avec des pointes, et maintenant les nouveaux murs qu'ils pensent construire. À chaque fois, ils en ajoutent et ils sont toujours plus hauts », se lamente ce Mexicain de 30 ans en regardant, depuis sa modeste maison en briques grises, les prototypes.

De plus en plus de Mexicains passeront.

Ces derniers, d'environ neuf mètres de haut et aux parois totalement lisses, ont été construits par six entreprises différentes et chacun a coûté entre 300 000 et 500 000 dollars. Le modèle choisi devrait ensuite être érigé sur au moins une partie des 3 200 km de la frontière américano-mexicaine, l'une des plus empruntées du monde.

Pour Sanchez, qui a traversé illégalement la frontière, le futur mur le plus difficile à franchir est celui surmonté d'une crête métallique et de pointes. « On peut le passer aussi, mais c'est juste un peu plus compliqué. On cherche toujours le moyen de passer. Par nécessité. Pas parce qu'on a envie de le faire », justifie-t-il.

Pour l'arrivée de Trump, prévue ce mardi dans l'après-midi, les défenseurs des droits des migrants préparent « une manifestation pacifique mais très ferme » contre le président et son mur. On estime qu'environ 11 millions de migrants illégaux vivent aux États-Unis, la plupart de nationalité mexicaine.

« De plus en plus de Mexicains passeront », prévient Sergio Tamai, fondateur de l'ONG Angeles Sin Fronteras (Anges sans frontière). Que ce soit à travers le désert, les montagnes ou avec l'aide de passeurs, « ils vont toujours trouver le moyen de traverser », poursuit-il. « Cette volonté de passer et d'aider sa famille est une énergie tellement forte, tellement puissante », explique cet activiste combatif devant le refuge Hotel Migrante,, qu'il a fondé à Mexicali, à la frontière.

Cette ville est séparée de Calexico, aux États-Unis, par une paroi métallique rouillée, peinte de graffitis colorés. On peut y voir une représentation de la Vierge de Guadalupe ou encore un slogan humoristique : « Pénètre-moi ».

Nous ne paierons jamais pour un mur à la frontière.

Plus d'un an après l'arrivée de Trump, les deux chefs d'État ne se sont toujours pas rendu de visite officielle, une première dans l'histoire récente des deux pays.

Lors d'un appel téléphonique le 20 février, le président mexicain Enrique Peña Nieto a fermement réitéré que les Mexicains « ne paieron(t) jamais pour un mur à la frontière », a raconté la semaine dernière le ministre mexicain des Affaires étrangères, Luis Videgaray.

« Tout est plus dur avec Trump, il est très raciste, il ne veut personne, il expulse beaucoup de monde », assure Carmelo Alfaro, un homme de 56 ans qui s'est résigné à vivre loin de sa femme et ses trois enfants, restés à San Francisco, en Californie, où il a travaillé comme jardinier pendant plus de quinze ans. Assis sur un matelas posé sur le sol dans le refuge Hotel Migrante, Alfaro dit qu'il retournera « totalement seul » vivre dans sa région natale, dans l'État de Jalisco (ouest).

« C'est difficile maintenant de traverser » la frontière, dit-il. Depuis la clôture de sa maison, Eladio Sanchez se plaint du futur mur qui l'empêchera de voir les montagnes du désert. « S'il ne veut pas de sans-papiers, qu'il nous donne alors un visa de travail », dit-il.