La douane multiplie les contrôles pour démanteler les réseaux de contrebande de tabac.

Les hausses de prix successives du paquet de cigarettes semblent décourager une partie des fumeurs. Les buralistes estiment que la stratégie du gouvernement encourage la contrebande.

« À chaque hausse de prix, mes clients sont désespérés. » C'est résigné que Kamel Raissi, gérant d'une brasserie tabac à Argenteuil (Val d'Oise), a changé les étiquettes sur ses étagères. Depuis le 1er novembre, un arrêté ministériel a augmenté le prix de vente des paquets de cigarettes de 50 centimes.

Si un paquet de Gauloises coûte désormais 10 €, le paquet de Marlboro Red, qui représente 26 % des ventes des buralistes est affiché, lui, à 10,40 €.

Promesse de campagne d'Emmanuel Macron, la hausse progressive du prix du paquet de cigarettes a pour but de diminuer le nombre de fumeurs en France. Une stratégie qui semble fonctionner d'après le rapport annuel de l'Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT).

Entre 2016 et 2018, la part de fumeurs parmi les Français de 18 à 75 ans est passée de 29,4 % à 25,4 %. Depuis 30 ans, les ventes n'ont fait, elles aussi, que baisser en passant de 95,8 milliards de cigarettes vendues en 1990 à 37,8 milliards aujourd'hui.

« Les hausses de prix font exploser le marché noir. »

L'augmentation des prix ne convainc pas tous les buralistes pour lutter contre le tabagisme. « Un fumeur continuera d'acheter des cigarettes quoi qu'il arrive, quitte à se priver sur autre chose », tranche Kamel Raissi, qui, à deux pas de l'usine Dassault, voit passer environ 500 clients par jour juste pour le tabac. « C'est 80 % de notre activité, explique Philippe Coy, président de la Confédération des buralistes. Augmenter les prix fait exploser le marché noir au détriment des buralistes. »

En 1990, 95,8 milliards de cigarettes étaient vendues en France.

Selon l'étude annuelle du cabinet KPMG pour le groupe cigarettier Philip Morris International, presque un tiers des cigarettes consommées en France serait issu de la contrebande ou d'achats transfrontaliers.

En mars, le confinement a permis aux buralistes de mesurer l'ampleur du phénomène. « J'ai augmenté mes ventes de 40 %, observe Vanessa Cartron, gérante d'un autre bar-tabac d'Argenteuil. On a vu directement l'effet quand les frontières ont été fermées. »

Le 30 octobre à l'aéroport Nantes Atlantique, les douaniers ont saisi 161 kg de cigarettes dans les dix valises d'un voyageur en provenance de Marrakech.

Depuis plusieurs années, la lutte contre la contrebande est une priorité nationale pour la Douane. L'an dernier, les saisies ont augmenté de 49 % avec plus de 360 tonnes retirées du marché. « Nous disposons de plusieurs services d'enquêtes au niveau national, explique Michel Marin, directeur régional des Douanes des Pays de la Loire. Ils collectent des données sur le Dark net et sur les réseaux sociaux pour démanteler les réseaux. »

Des contrôles multipliés.

Sur le terrain, les contrôles se multiplient avec une hausse des constatations en 2019. En juillet dernier, près d'Angers, les douaniers ont ainsi saisi 12 500 cartouches de cigarettes dans un poids lourd en provenance de Belgique qui se rendait à Saint-Nazaire, un record pour la région.

Le camion circulait un jour férié ce qui a éveillé l'attention des agents. « À côté des réseaux, il y a aussi des particuliers qui se laissent tenter et font des allers-retours à la frontière pour revendre des cigarettes à leur entourage, constate Michel Marin. Nous sommes aussi vigilants aux bagages à l'aéroport de Nantes. »

« C'est l'instrument le plus puissant pour lutter contre le tabagisme. »

De leur côté, les associations de lutte contre le tabac défendent la hausse du prix du tabac. « Selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), c'est l'instrument le plus puissant pour lutter contre le tabagisme », explique le docteur Bernard Basset, président de l'Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (Anpaa).

Le lien avec le développement du marché noir est aussi réfuté. « C'est un argument utilisé par l'industrie du tabac pour lutter contre les politiques publiques, explique Marion Catellin, directrice de l'Alliance contre le tabac, qui regroupe une trentaine d'associations comme la Ligue contre le cancer. Le marché parallèle existe mais il est négligeable. Pour le combattre, il faudrait surtout harmoniser la fiscalité du tabac en Europe pour éviter les achats transfrontaliers. »

Pas de hausse prévue pour 2021.

Même constat pour Bernard Basset qui estime que les cigarettes transfrontalières représentent entre 15 et 20 % des cigarettes consommées en France. « Ça concerne une petite fraction des fumeurs mais la majorité continue de s'approvisionner dans les bureaux de tabac », indique le médecin.

La montée du prix du tabac va marquer une pause, Olivier Dussopt, ministre délégué aux Comptes publics, a indiqué qu'aucune hausse de prix ne serait votée en 2021.

Vapotage, encaissement des impôts ou vente d'encas... La Confédération des buralistes développe des pistes pour diversifier les revenus de ses adhérents pour les rendre moins dépendants du tabac.