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Nous sommes en 1984 et Steven Spielberg est au sommet du monde. Le réalisateur des Aventuriers de l'Arche Perdue, des Dents de La Mer, de Rencontres du Troisième Type et de E.T L'Extraterrestre n'a alors à son actif qu'un seul véritable échec, 1941, et il s'apprête à faire revivre sur grand écran le personnage d'Indiana Jones.
Parallèlement à sa carrière de plus grand réalisateur du monde, il a également produit Poltergeist de Tobe Hooper, un classique évident. Bref, Spielberg est le patron. Le 23 mai 1984 sort sur les écrans américains le meilleur volet des aventures d'Indiana Jones (Le Temple Maudit). Quelques jours plus tard, le 8 juin, c'est au tour des Gremlins de Joe Dante (avec Spielberg à la production) de squatter les salles obscures,aux côtés de Ghostbusters. Sorties exactement le même jour, la même année, c'était tout de même génial.
Dans Indiana Jones et Le Temple Maudit, l'aventurier se rend dans un village du nord de l'Inde et doit récupérer une pierre magique, dérobée pour un culte pratiquant la magie noire, l'esclavage infantile, et des sacrifices humains. Deux scènes, en particulier, marqueront à jamais les esprits des gamins: un repas à base de cervelles de singes, et une scène particulièrement graphique, dans laquelle Mola Ram enfonce son poing dans le torse d'un innocent terrorisé, avant d'en ressortir son coeur, qui bat encore.
Deux salles plus loin, Monsieur et Madame Tout Le Monde, sur la foi d'une bande annonce mettant en scène un gentil Gizmo évoquant immanquablement E.T L'Extraterrestre, assistent à un massacre dans les règles de l'art, dans lequel une créature démoniaque finit au micro ondes. Rien que ça. L'ambiance, à la sortie, n'est pas à la fête, mais bel et bien au soutien psychologique. Les deux films sont pourtant classés PG. N'importe qui peut aller les voir. Et tout le monde ira.
La Motion Picture Association of America, en charge du système de notation des films, se doit de réagir face à la colère des parents. Alors, pour la première fois depuis 1968 et l'apparition du G (tous publics), PG (accord parental souhaitable), R (interdit aux moins de 17 ans non accompagnés d'un adulte) et du X (vous avez compris) en remplacement du code Hays, du nom du sénateur puritain ne souhaitant surtout pas “porter atteinte aux valeurs morales des spectateurs”, la MPAA instaure une nouvelle classification, et le PG13 (accord parental recommandé, film déconseillé aux moins de 13 ans) voit le jour. Plus qu'une simple mention en début de bande-annonce, ce symbole changera en profondeur l'industrie du cinéma américain.
Si le mot Fuck est prononcé une fois, vous pouvez espérer être classé PG13. Deux fois, et c'est le R assuré. Once sera classé R. Comme Ridicule.
Le premier film classé PG13 est Red Dawn, de John Milius, sorti en août 1984 (la MPAA n'a pas perdu de temps), dans lequel les Etats-Unis sont envahis par l'Union Soviétique. A l'époque, Red Dawn, qui aura droit à un pénible remake en 2012 avec Chris Hemsworth, entre dans le Guinness Book des Records comme le film le plus violent de tous les temps, avec pas moins de 134 actes de violence par heure, soit très précisémment 2,23 par minute. Si aujourd'hui, il est permis d'en rire (non du film, mais disons que nous avons eu l'occasion de voir bien plus sanguinolent depuis), cette classification laisse des marques: si Red Dawn n'est pas interdit mais seulement déconseillé aux moins de 13 ans, alors la violence est validée, c'est la MPAA qui semble le dire avec ce PG13. Le sexe et les injures, en revanche, non. Et s'il était encore possible, dans les années 80 et au début des années 90, de laisser entrevoir une ou deux paires de seins dans un film PG13, c'est désormais chose impossible.
Quant aux gros mots, l'exemple le plus frappant est la comédie romantique irlandaise Once, qui raconte l'histoire d'amour entre deux musiciens. Pas de sexe, aucune violence, des bons sentiments dans tous les coins. Mais il existe une règle, tacite: si le mot Fuck est prononcé une fois, vous pouvez espérer être classé PG13. Deux fois, et c'est le R assuré (qui, rappelons-le, oblige le jeune de moins de 17 ans à être accompagné d'un adulte, tuant ainsi dans l'oeuf la potentielle carrière en salle d'un film). Once sera classé R. Comme Ridicule.
Désormais, les studios misent donc sur le PG13, un classement qui permet au plus grand nombre d'acheter des billets, afin d' en récolter eux-mêmes un maximum. Les cinéastes voient leurs scénarii édulcorés par les grands patrons, quand ils ne s'y attèllent pas eux-mêmes. Le PG13 est devenu le nerf de la guerre, le Graal qui permet de filmer des bagarres pour les enfants avec un budget conséquent. Michael Bay, c'est aussi grâce à Spielberg.
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