Vous n'êtes pas identifié.
Pages: 1
Réponse : 1 / Vues : 1 534
El Roslino
brasseur de bière - musée du Caire (provenance mastaba à Saqqara - IVe ou Ve dynastie?)
brasseur de bière - MET (Ancien Empire).
La bière “Stella” qui se consomme sur les rives du Nil a eu une célèbre devancière qui se dénommait, à partir de la IVe Dynastie, “heneket”.
Contrairement à ce qu'affirmait Hérodote, les anciens Égyptiens connaissaient le vin, “boisson de luxe pour les riches, les nobles et les hauts fonctionnaires”, précise Sylvia Couchoud. Mais la bière était une boisson beaucoup plus populaire. “Nous savons par beaucoup de documents, poursuit Sylvia Couchaud, que pain et bière étaient la nourriture de base d'un Égyptien.
Nous connaissons la quantité journalière que la reine consommait, ainsi que celle des princesses, celle des prêtres, celle des ouvriers, variant suivant le rang de chacun dans la hiérarchie sociale ou ecclésiastique. Nous savons qu'un ambassadeur d'un pays étranger puissant avait plus de bière par jour que celui d'un petit pays. Nous connaissons même la quantité de bière bue par un ouvrier dans une mine d'or située loin de la Vallée du Nil.
Pour une expédition dans le désert, on emmenait, outre le boulanger, un brasseur, afin que chaque personne ait sa bière journalière. Il fallait acheminer bien sûr tous les ingrédients, les outils et les récipients nécessaires à sa fabrication. Pain et bière étaient aussi la partie principale du salaire d'un ouvrier ou d'un artisan.”
Personnages et inscriptions sur les murs d'une tombe d'un brasseur royal, mise au jour à Louxor (janvier 2014).
La bière (le “zythum”), dans l'Égypte antique, était également utilisée en médecine, contre les maux de ventre, la constipation, le ver solitaire, les maladies d'yeux ou de peau... Peut-être même, ce qui peut se concevoir à partir d'une certaine dose, comme anesthésique !
Oubliant momentanément les sensations procurées par une “Stella” servie bien fraîche et gouleyante à souhait, tentons d'imaginer ce que nous réserve la bière de l'Égypte d'antan. Pour en comprendre le mode de fabrication, laissons-nous guider par les illustrations du mastaba de Ty à Saqqara et le décryptage qu'en proposent Thierry Benderitter dans les pages de son indispensable site Osirisnet.net et Sylvia Couchoud dans son étude “La bière en Égypte pharaonique”.
L'ingrédient de base est l'orge germée. Elle est écrasée dans des récipients à fond plat avec un mortier et filtrée à l'aide de tamis de plus en plus fins. Y est adjointe de la farine de blé. Avec ce mélange, une fois humecté, on fabrique des pâtons oblongs que l'on verse dans des moules brûlants, le temps que la croûte soit dorée tout en veillant à ce que l'intérieur reste cru et que les enzymes du malt ne soient pas détruits. Les pains à demi cuits sont alors émiettés dans une cuvette et mélangés avec un liquide sucré obtenu avec des dattes.
La mixture est pétrie, brassée, filtrée avec une grande passoire et recueillie dans des cruches où elle va fermenter. Lorsque la fermentation est terminée, la bière obtenue est transvasée dans des amphores fermées par un bouchon de paille et d'argile humide, ou par une petite assiette et un peu de plâtre.
Les déesses Menqet et Tenemet.
Ce mode d'emploi de la bière, tel qu'il est représenté dans le mastaba de Ty, est révélateur du rôle que tenait cette boisson dans la mythologie égyptienne.
“Personnifiée par les déesses Tenemet et Menqet, qui sont chargées de la brasser, la bière joue un rôle non négligeable dans le monde divin. Elle fait évidemment partie des offrandes faites aux dieux et aux déesses, en particulier à Hathor puisque, comme le vin, elle peut procurer l'ivresse.” (Jean-Pierre Corteggiani)
Menqet est souvent représentée avec deux cruches dans les mains, associée à Âqyt qui personnifie le pain. Avec le pain, c'est la bière - et non le vin ! - dont les Égyptiens souhaitaient disposer pour l'éternité.
Hypogée thébaine (TT60).
“Dès le début de l'histoire de l'Égypte, la bière révèle son importance sur les stèles funéraires. Avant toute chose le mort souhaitait avoir du pain et de la bière pour sa vie dans l'au-delà. Il comptait sur ses descendants pour lui apporter régulièrement sa nourriture.
Mais il prévoyait aussi l'oubli et c'est là où la stèle funéraire jouait son rôle. Ce qui était écrit, lu ou prononcé devant la tombe devenait par magie réalité. Ainsi la survie était-elle garantie. Le pain et la bière étaient toujours nommés en premier lieu, mais on ajoutait bien d'autres aliments et boissons.
Dans les Textes des Pyramides déjà, à l'aube de la civilisation égyptienne, pain et bière permettaient aux défunts de survivre alors que la momification n'était pas encore employée comme gage d'éternité pour le commun des mortels.
Le dieu ou son représentant sur terre, le pharaon, se portait garant pour des milliers de pains et des milliers de cruches de bière. Cette boisson représente donc, à côté du pain “quotidien”, la survie matérielle dans l'au-delà, comme elle avait représenté, un élément majeur de la vie de l'Égyptien.” (Sylvia Couchoud)
Au terme de ce bref survol historique, si l'envie vous vient de déguster calmement une “Stella”, peut-être vous souviendrez-vous que cette boisson rafraîchissante, à consommer nous conseille-t-on avec modération, fut, aux origines de la civilisation égyptienne, une boisson des dieux...
Réponse : 1 / Vues : 1 534
Pages: 1